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  La coopération franco-soviétique
et le satellite Roseau
 
 
Jean.Pierre Causse
 
ancien directeur du C.S.B.
 
 
 
 

L'idée de lancer un satellite en coopération avec l'URSS fut accueillie très favorablement par le CNES; outre l'aventure que cela représentait, il y avait là le moyen de se faire financer un projet supplémentaire.
Les Russes ne voulaient absolument rien dire du lanceur, mais nous soupçonnions qu'il serait très puissant. Aussi, parmi les projets présentés par les scientifiques, le CNES choisit-il un satellite de taille moyenne (environ 150 kg) par conséquent, pour nous, de coût modéré, mais mis sur une orbite très excentrique (à mi-chemin de la Lune, donc inaccessible au Diamant).
Roseau (Radio Observation par Satellite Excentrique à Automatisme Unique) fut ainsi conçu par le Groupe de Recherches Ionosphériques (CNRS-CNET) et consacré à l'étude de l'exosphère, donc une extension logique de l'expérience FR1 sur l'ionosphère.

Nous avions expliqué à nos interlocuteurs l'importance d'avoir, eux comme nous, à côté de la hiérarchie habituelle un chef de projet unique, c'est à dire quelqu'un se consacrant exclusivement au projet et par lequel passent tous les problèmes le concernant. Pour ce poste, nous voulions proposer un des jeunes qui venaient de terminer brillamment les Diapason et Diadèmes.
Lorsque le Général Aubinière aborda le sujet avec la délégation soviétique, ceux-ci, tout en approuvant du bout des lèvres cette procédure inhabituelle pour eux, désignèrent un éminentissime membre de l'Académie des sciences de l'URSS, en plus nettement plus âgé que nous tous.
Aubinière sortant de la réunion, se précipita sur moi et me dit: la dissymétrie aurait été vraiment trop grande, je vous ai désigné vous. C'est ainsi que je me suis trouvé chef du projet Roseau!.
Le responsable scientifique était, lui, la personne adéquate, François du Castel du CNET.

La "culture” de la Division Satellites était fondée sur l'expérience acquise avec la NASA (FR-l et autres projets) basée sur une collaboration ouverte et transparente.
Ici tout était brumeux. Nos interlocuteurs soviétiques étaient d'une méfiance extrême malgré une bonne volonté évidente. La procédure académico-diplomatique prévoyait des réunions lourdes, espacées, formelles, et le travail avançait lentement. 
Pour convaincre nos partenaires de la nécessité de contacts directs, fréquents et sans préavis en cas d'urgence, comme nous le faisions constamment avec les Américains, je me souviens que Xavier Namy et moi avions décidé de tenter une expérience.
Un télex demandant une réunion était demeuré quelques semaines sans réponse.
Or, l'URSS cherchait alors à promouvoir le tourisme. Aussi avions-nous demandé des visas de touristes; une agence de voyages nous a fourni des billets, des réservations d'hôtel, la location de voitures et nous sommes partis.
Cela a du beaucoup bousculer le lourd dispositif soviétique, mais nous avions gagné : à l'arrivée à Moscou-Sheremetievo, mon équivalent russe, l'académicien Georgui Babakine, nous attendait avec toute son équipe. Il avait repris les choses en main! 

Nous étions sur la bonne voie, lorsqu'en novembre 68, je suis allé en Australie pour le lancement du F-7 d'Europa, où nous avions lancé la première Coralie depuis la reprise en main par le CNES avec l'aide de la SEREB. La division lanceurs m'avait alors été rattachée, elle continua à être dirigée par Charles Bigot, alors que le chef de projet Coralie au CNES était Chassignet. Succès pour Coralie, mais autodestruction de l'étage allemand dont c'était la première mise à feu en vol.
En fait, je n'avais pas assisté au tir proprement dit, j'avais passé une semaine à attendre, avec plusieurs démarrages de la chronologie interrompus par des incidents divers. J'avais reçu un coup de téléphone du général Aubinière qui me demandait de rentrer d'urgence parce qu'il fallait refaire le budget à la suite des événements - ce que l'on appelle les événements de 68 -
J'avais appris le succès (pour nous) du tir en débarquant au Bourget. 
Il y avait eu changement de gouvernement et le conseil des ministres indiqua au général de Gaulle qu'il fallait dévaluer. De Gaulle répondit: “on ne dévaluera pas” et demanda au gouvernement de refaire le budget.
Donc, en novembre/décembre 1968 on a entièrement revu le budget à la baisse.
Je suis rentré et naturellement je n'ai pas pu sauver grand'chose. C'est ainsi que Roseau fut rayé.
Pourquoi ce projet là ? 
Sans doute parce qu'il n'était pas encore vraiment né. Il est plus facile de couper un projet qui n'a pas encore vraiment commencé, qu'un projet qui est déjà très avancé.
Mais aussi parce que c'était quand même un projet politique et que le gouvernement, entre temps avait eu d'autres préoccupations.

 
  Donc le CNES a arrêté ce projet à notre grand regret, parce que, évidemment, il avait un côté tout à fait passionnant pour les gens qui le faisaient.
La coopération franco-soviétique a quand même repris deux ou trois ans après, mais à cette occasion elle a subi un coup sérieux. D'ailleurs nos collègues Russes n'ont jamais compris pourquoi lorsqu'ils sont revenus à Brétigny, il y avait toujours les mêmes personnes. Vous dites que vous n'avez plus d'argent, pourtant vous êtes là !
Les Soviétiques ne comprirent jamais que construire un satellite coûtait de l'argent et crurent toujours à une évolution de la politique française à leur égard.
Le CNES et le Roseau (O. Carel)
 
   
 
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