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J'ai cherché pendant plusieurs mois, sur tout le littoral, de Montpellier au Perthus. Leucate était le seul endroit possible: la carte était totalement déserte. »
Plus de quarante ans après, Pierre Chiquet n'a rien oublié de la mission très spatiale qu'il mena en 1962 et 1963 sur notre littoral languedocien.Cet ancien pilote de chasse, qui fut l'un des co fondateurs du Centre national d'études spatiales (CNES), avait alors été chargé par le gouvernement de trouver un nouveau site de tir pour les fusées françaises.

Depuis l'après-guerre, la France utilisait ses bases dans le Sahara algérien pour tester les armes chimiques, effectuer les premiers essais nucléaires, et mettre au point ses fusées : les missiles militaires comme les engins destinés à la conquête de l'espace.
C'est sur la base d'Hammaguir, ouverte depuis 1947, que ces nouvelles technologies sont explorées, sur fond de guerre froide, de secret défense et de rivalité internationale.
Les Russes mettent le premier Spoutnik en orbite en 1957, y envoient Gagarine en 1961. En 1962, il est suivi par John Glenn, le premier véritable astronaute américain.
Hammaguir était un plateau désertique, à plus de 100km de Colomb-Béchar, équipé de pas de tir, de stations radar et d'installations télémétriques, pour suivre les trajectoires. "A l'époque, c'était les premières mises au point. Ça tombait dans tous les sens", se souvient Pierre Chiquet, qui fut, entre 1958 et 1962, l'un des cadres de ce centre d'essais d'engins spéciaux, où l'on tira ces années-là plus de 1 500 fusées et missiles. "Il y avait des blockhaus pour se protéger le mieux possible."
Les accords d'Evian donnent à la France jusqu'en 1967 pour quitter Hammaguir.
Dès 1962, Pierre Chiquet est chargé par le gouvernement de trouver un autre site. "Il fallait un champ de tir orienté vers l'Est pour bénéficier de la rotation de la Terre et gagner de précieux mètres/secondes. Cela excluait notre centre des Landes.
Entre Leucate et Le Barcarès, il y avait une bande de sable, avec, derrière, l'étang qui permettait une distance de protection suffisante."
La zone a d'autres atouts : "C'était une solution à moindres frais. On pouvait loger les gens à Perpignan, EDF n'était pas loin, on pouvait mettre un radar vers Perillos, une base arrière technique vers Salses, et les moyens de télémesure sur le rocher de Leucate"
Montant estimé de l'investissement: 100 MF de l'époque, l'équivalent de 140 M€.
Le 23 mai 1963, le conseil d'administration du CNES décide de consacrer 40 MF à l'achat des terrains et aux études d'implantation. Mais le tout va se heurter à plusieurs écueils.
Techniques tout d'abord : la France teste alors les fusées sondes, comme Véronique, dérivée du V2 allemand, et qui pouvait monter a 200 Km d'altitude. "Son système de guidage était tellement mauvais qu'elle pouvait aller n'importe où.
Dans le Sahara, ça n'avait pas d'importance, mais là, c'était embêtant qu'elle retombe sur Toulouse ou Perpignan."

Même difficulté avec la fusée Diamant, le premier lanceur français de satellite: "Le premier étage serait tombé au niveau de la Corse et de la Sardaigne, le deuxième vers la Crète: pour réussir, l'angle était étroit, il fallait des systèmes de destruction en vol très efficaces."
Autre écueil: le projet est incompatible avec celui de la mission Racine, qui veut lancer l'aménagement touristique du littoral languedocien.
En décembre 1963, Pierre Chiquet amène à Leucate Olivier Guichard, alors conseiller technique de Georges Pompidou.
"Il faisait beau, il n'y avait pas de tramontane. Il m'a dit: "On ne va pas chasser les touristes d'ici. Allez voir à Port-la-Nouvelle".
Pierre Chiquet rendra un rapport défavorable sur l'Aude, pour des raisons techniques.
"Lors d'une réunion, Pompidou nous a dit: "Puisque c'est ainsi, cherchez en dehors de l'Hexagone".
Une quinzaine de sites furent envisagés, avant que Kourou, en Guyane, ne soit choisi.
La première fusée Véronique y est tirée le 9 avril 1968.

Onze ans plus tard, c'est au tour d'Ariane 1. "On voit mal Ariane être tirée depuis Leucate", reconnaît aujourd'hui Pierre Chiquet, qui finira sa carrière comme PDG de Giat Industries. "On se serait aperçu très vite que ce n'était pas viable.".
• A lire: « Cap sur les étoiles », Pierre Chiquet
 

 

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