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Bernard Deloffre
Une grande fresque sur les débuts du CSG
Interview par David Redon
le 20 mars 2003
Avec l'accord de Bernard Deloffre et celui de David Redon
Ce récit de carrière a été collecté dans le cadre de l’Extension du Projet Histoire de l’Agence spatiale européenne avec la collaboration de l’Institut Français d’Histoire de l’Espace (IFHE).
DAVID REDON : Quelles sont vos origines familiale et sociale ?
BERNARD DELOFFRE : Ma famille était une famille de cadres ; mon père était un petit cadre industriel. Ma mère était « assistante », en particulier dans les organisations internationales. Elle a travaillé à l'OTAN, à l'Organisation internationale pour les réfugiés. Moi, j'ai fait mes études à Paris où mes parents sont très rapidement venus dans les années 40. Cela m'a conduit à rentrer à l'X (École Polytechnique), en 1956, et à faire ensuite l'École nationale supérieure de l'Armement, complétée ultérieurement par un master en management l’Insead Stanford Advanced Management Program. Tout cela est assez banal, puisqu'on a tous plus ou moins un cursus du même genre.
Après Colomb-Bechar j'ai démissionné – enfin non : je me suis fait mettre en disponibilité, assez rapidement de ma condition d'ingénieur militaire pour suivre une carrière qui a été plus marquée par ma volonté personnelle de faire telle ou telle chose, sans être dans la « coquille » des ingénieurs de l'Armement. Cela ne m'a pas empêché, bien au contraire, de garder d'excellentes relations avec tout le corps de l'Armement, car lorsque ma carrière s'est orientée vers l'Espace – d'ailleurs un peu par hasard, je vous expliquerai pourquoi - j’ai été amené à côtoyer des gens qui sont de formation des grandes écoles scientifiques pour la plupart, dont beaucoup sont passés par l'Armée.
Pourquoi je dis « par hasard » pour ma carrière spatiale … Parce qu'elle a commencé en 1961 pour se poursuivre aujourd'hui. J'ai toujours eu des activités consacrées à l'Espace, à part une ou deux parenthèses.
Ma première affectation, à la sortie de l'École d'ingénieur d'Armement, a été le CIEES de Colomb-Béchar, et la raison pour laquelle j'ai choisi cette affectation parmi la batterie d'affectations proposées, était mon attirance pour le Sahara [rires] et pour les contrées exotiques.
Je me suis trouvé mêlé aux affaires de développement de champ de tir qui se sont poursuivies ensuite au Service des Équipements de Champ de Tir (SECT), qui faisait partie de la DMA [Délégation Militaire à l'Armement, devenue DGA], jusqu'en 1964.
Ensuite, j'ai eu une première parenthèse... et en 1967, je suis entré au CNES pour repartir à Kourou.
DR : Vous arrivez à Colomb-Béchar en 1961, quelles sont vos activités ?
BD : Oui, j'arrive en 1961 ; on construisait à l'époque le champ de tir d'Hammaguir, pour le tir d'engins balistiques sur ce que l'on appelait « l'axe 3000 », qui partait de Colomb-Béchar en direction de Djanet jusqu'à 3000 kilomètres. Et il s'agissait d'équiper en moyens de mesures ce champ de tir.
J'étais responsable de trois groupes : un groupe moyens optiques, un groupe moyens de télécommunications et un groupe infrastructure. Il y avait toute une équipe de gens ; c'était le Service d'Équipement de Champ de Tir, qui était chargé de la mise en place de ces différents moyens.
Je suis resté dans ces fonctions pendant trois ans, fonctions qui se sont orientées assez rapidement sur l'équipement du champ de tir de Biscarosse, au CEL [Centre d'Essais des Landes]. Il ne me restait plus que les moyens infrastructures et optiques, et j'ai contribué à l'installation de certains moyens du CEL.
J'ai quitté cette organisation en 1964, parce que ça ne me plaisait pas du tout de me retrouver à Biscarosse. Cela ne correspondait pas à ma vision des grands Espaces. Alors, j'ai décidé que là, le moment était venu pour moi de faire ce qui me plaisait.
Je me suis fait mettre en disponibilité et j'ai été faire autre chose.
DR : Peut-on reparler de l'expérience de Colomb-Béchar, des équipes qui y travaillaient, des activités, de l'atmosphère qui régnait sur le champ de tir dans le contexte politique délicat de la fin de la guerre d'Algérie ?
BD : Les équipes qui travaillaient à Colomb-Béchar et Hammaguir étaient très indépendantes, de la situation politique de l'époque, et notamment de la guerre d'Algérie. Il n'y avait pratiquement pas d'incidents.
Je rappelle que la partie occidentale de l'Algérie a été pacifiée très tôt, et que la région était donc à peu près sûre.
Bien sûr, sont arrivés les accords d’Evian en 1962, qui ont un petit peu durci la position des uns et des autres... Mais nous avons continué nos activités jusqu'à ce qu'on organise le déménagement de la base, et l’arrêt des activités des bases saharienne en 1967...
Moi, je suis rentré en 1964, et je dois dire que je n'ai subi aucune espèce de répercussion.
Maintenant, il faut bien voir que nous étions à Colomb-Béchar : quand il s'agissait d'aller en métropole de Colomb-Béchar, la liaison se faisait par avion directement, on ne passait pas par le nord de l’Algérie, par Alger. Il n'y a donc eu aucun problème de ce côté-là. Simplement, une grande tristesse de voir la façon dont ont évolué ces problèmes. Ça n'a pas été étranger à ma décision de quitter l'Armée.