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A l’intérieur du CNES la compétence spatiale se crée par la participation des agents à des actions concrètes. Elle ne donne pas encore naissance à une véritable culture d’entreprise parce que les diverses équipes travaillent dans la hâte, chacune dans le domaine qui lui est imparti : les unes en réalisant des satellites - dont FR1 en coopération avec la NASA -, d’autres en négociant et suivant les réalisations déléguées à l’industrie, d’autres encore en lançant des ballons ou des fusées-sondes, d’autres enfin en construisant le centre technique de Brétigny et bientôt les centres de Kourou et de Toulouse. La coordination de ces nombreuses activités n’est pas parfaite. Je me souviens qu’étant chargé du développement des matériels des stations de poursuite et de télémesure, je proposai à Xavier Namy, chef du projet FR1, que nous examinions ensemble la compatibilité de son satellite avec mes stations. Il me fit comprendre gentiment que sa bande n’avait pas de temps à perdre avec la mienne. "Si tes stations ne marchent pas ce n’est pas grave, les stations de la NASA sont associées à mon projet !" ajouta-t-il. A quoi je répondis que mes stations avaient de quoi fonctionner avec les satellites de la NASA déjà sur orbite. Tout cela n’était pas très positif mais nous en restâmes là. Heureusement aucun problème de compatibilité ne devait surgir entre FR1 et nos stations. Dès 1962, le CNES avait englobé les activités françaises de ballons stratosphériques et de fusées-sondes préexistantes. Ces activités intéressaient la communauté scientifique mais elles avaient un faible retentissement médiatique. Un premier frémissement se produit en avril 1964 lorsque le gouvernement décide la construction de la base de lancement en Guyane. Puis, au début de 1965, une première opération vraiment spatiale du CNES commence : son réseau de stations entre en service en poursuivant des satellites de la NASA déjà sur orbite. Mon « ouf » de soulagement ne fut pas immédiat, cependant. J’avais claironné que la précision de localisation des satellites par le réseau serait de 1/ 10 000 de la distance séparant le satellite de la station. Cette prophétie était facile parce que nos paramètres de conception étaient voisins de ceux des stations de la NASA qui atteignaient cette précision. Or pendant plusieurs semaines la précision fut seulement de 1/1000, 10 fois moins bonne ! Avions-nous oublié un élément essentiel de conception ? Malgré un peu d’angoisse, je m’accordai une semaine de congé. A mon retour mon collègue Norbert Charbit, hilare, me dit : « Bon ! Ça y est ! Tu l’as ton 1/ 10 000 ! ». En quelques jours on avait découvert une erreur de longueur de 2 câbles à la station de Pretoria et nos collègues mathématiciens en avaient aussitôt tenu compte dans leurs calculs ! Mais l’entrée effective de la France dans le club très restreint des puissances spatiales date de fin 1965. Ce sont le lancement de la capsule A1 par un lanceur Diamant A de la SEREB et celui du satellite FR1 par une fusée Scout de la NASA qui illustrent principalement cette période. L’émotion, la joie, une immense satisfaction inondent le CNES. Evidemment ces succès, que le CNES partage d’ailleurs avec la SEREB, ne reposent pas seulement sur la qualité de ses agents. Ils résultent d’abord de longues années de préparation technologique antérieures à sa création. Ensuite, si le CNES a su fédérer toutes les participations, il a bénéficié de la volonté enthousiaste de chacun des acteurs - organismes de recherche, industriels et autres - de prendre part à la réussite de cette aventure exceptionnelle. Il a bénéficié enfin d’un contexte simplifié par la priorité attribuée à ce premier programme, voyant son budget et son personnel croître sans frein autant que nécessaire. Beaucoup d’entre nous, tout à leur joie, n’avaient pas conscience, à l’époque, de la conjonction de ces facteurs favorables, … qui seront rarement réunis par la suite. Les projecteurs de l'actualité illuminent donc pour la première fois le CNES. L’existence de l’activité spatiale française est alors reconnue au-delà des acteurs et de quelques initiés. Et ces premiers succès seront confirmés en 1966 et 1967 par les 3 lancements de satellites D1. En mars 1966 le CNES se réorganise. Il rattache le centre de lancements de ballons d'Aire-sur-Adour à une division ballons aux attributions plus larges, qui sera la première à s'installer à Toulouse en 1968. Il crée une division lanceurs chargée de développer un nouveau lanceur -appelé Diamant B- par contrat direct avec Nord-Aviation, Sud-Aviation et la SEP. On considère en effet que la propulsion à liquides est préférable pour un lanceur de satellites. Au niveau supérieur de l’organigramme la direction scientifique et technique tenue par le professeur Blamont éclate en 3 nouvelles directions : la division des programmes est promue au rang de direction (André Lebeau) tandis que les autres divisions sont réparties entre la direction du centre de Brétigny (Jean-Pierre Causse) et une direction du développement (Pierre Chiquet), cette dernière chargée principalement de préparer la création des centres de Kourou et de Toulouse. Ces mouvements se justifient par l’élargissement des activités du CNES aux lanceurs, à la prospective des technologies et des missions ainsi qu’à l’exploitation des satellites sur orbite. Ils ont été précédés et seront suivis de nombreuses embauches de sorte que l'âge moyen du personnel reste voisin de 30 ans pendant plusieurs années. Une activité syndicale très réduite prend naissance, encouragée par la direction qui y voit une attestation du fonctionnement normal de l'établissement. Mais les revendications sont pratiquement inexistantes. Fort de ses succès, le CNES paraît promis à un avenir radieux. |
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