Sur la période considérée, cette note présente des hypothèses de réduction budgétaires du programme fusées-sondes très importantes, faisant passer celui-ci de ~16 MF en 1974 à 4 MF à partir de 1976, soit une réduction supérieure à celle affectant l'ensemble du programme national, ce dernier passant en effet de 60 MF à ~55 MF.
Titus (Argentine 1966)
Cette orientation des programmes qui servira de fondements aux futures élaborations des budgets du CNES est commentée par M. Armand lors de la séance du Conseil d'administration du 20 décembre 1973.
Il précise que le budget du CNES en 1974 sera "
un budget de transition qui affectera également l'année 1975 (impact de la décentralisation de Brétigny et Paris sur Toulouse, mise en place de l'ESA, programme Ariane".
A cet égard, il ajoute, s'agissant des fusées-sondes : "
…Le programme de fusées-sondes, en diminution importante par rapport à 1973 correspond à une réorientation du programme, à une limitation des objectifs initiaux des fusées astronomiques Faust et à l'utilisation de fusées canadiennes Black Brandt à la place des fusées françaises Véroniques…".
Le Directeur général Michel Bignier, au cours de la même séance, confirme les réorientations inéluctables de ce programme : "
…Par rapport à l'esquisse, nous avons dû renoncer à un certain nombre d'opérations que nous considérions comme importantes. Nous avons par exemple retardé de un an le démarrage de SRET 3 pour Faust et les télécommunications. Dans ce domaine, nous avons pris des décisions très graves à terme puisque nous maintenons pratiquement uniquement le programme Faust-plaques et que nous supprimons le programme Faust-télévision. Nous maintenons cependant les études Faust-télévision en espérant reprendre le programme par la suite mais sans conserver beaucoup d'illusions. Ceci va poser des problèmes de reconversion assez importants au CNES puisque cela voudra dire que dans trois ou quatre ans, l'activité Fusées-sondes sera pratiquement arrêtée."
Michel Bignier n'imaginait pas que la politique retenue par le CNES, moins d'un an plus tard, pour satisfaire les contraintes budgétaires imposées par le gouvernement, conduirait en particulier à l'arrêt brutal du programme fusées-sondes. Tout va en effet se jouer entre août et novembre 1974. Le 5 septembre 1974, la division fusées-sondes, jusque là emblématiques des activités du CNES, «disparaît" des organigrammes, suite à la réorganisation de la Direction des Systèmes et Engins Spatiaux (DSES)

. Dans ce cadre les anciennes divisions "Satellites" et "Fusées-Sondes" disparaissent, leurs activités et personnels étant intégrés au sein des deux nouvelles divisions "Projets d'Applications" et "Projets Scientifiques" de la sous-direction "Systèmes et Projets".
Dragon (Terre Adélie 1967)
Il faudra moins d'un mois au Gouvernement pour prendre sa décision dont le président du CNES rend compte lors de la 117ème réunion du Conseil d'Administration, le 24 octobre 1974 :
"
Après que se soient successivement tenus un Conseil interministériel et un Conseil restreint, les décisions gouvernementales ont finalement été prises en Conseil des ministres : le Président de la République s'est déclaré convaincu de l'importance des application spatiales à partir de 1980 et de la nécessité de poursuivre Ariane dans le cadre de la politique européenne.
C'est en définitive l'option B (
option 3.1.2 du rapport préparatoire CNES)
du rapport ministériel correspondant à un budget 1975 de 950 MF qui a été retenue."
Il est précisé que son financement sera assuré par la participation de certains ministères concernés.
Pour le CNES, le plafonnement à 950 MF des dépenses 1975 oblige à des mesures sévères :
"…nous serons obligés de faire des sacrifices. Nous ne vous l'avons pas dissimulé. Nous ne pouvons pas dire exactement à l'heure actuelle quels seront les programmes qui seront arrêtés, quels sont ceux qui ne le seront pas ; nous sommes en train de faire l'exercice qui s'impose. Le ministère nous a donné quinze jours pour faire des propositions."
Michel d'Ornano, ministre de l'Industrie et de la Recherche, dans la lettre envoyée le 5 novembre 1974 à Maurice Levy, Président du CNES définit clairement les orientations de la politique spatiale française :
"
L'objectif essentiel assigné à la politique spatiale de la France reste l'autonomie de l'Europe en matière d'applications spatiales, principalement en matière de télécommunications. Cet objectif a été concrétisé par des accords européens de juillet 1973, et comporte donc la poursuite du lanceur lourd ARIANE."
Il précise que "
l'ensemble des dépenses sera plafonné, pendant la période 1975-1980, à un montant annuel de 950 MF (en Francs 1975) : priorité sera accordée dans cette enveloppe, aux programmes européens…
Le plafonnement du budget spatial me conduit à vous demander de ralentir le programmes nationaux et bilatéraux du Centre National d'Etudes Spatiales et en particulier d'arrêter le programme de satellites DIALOGUE, de cesser l'utilisation du lanceur DIAMANT BP4 après le lancement du satellite D2B, de ne pas donner suite au projet franco-soviétique EOS-VENUS, et de ralentir l'activité du Centre Spatial Guyanais jusqu'aux premiers essais du lanceur ARIANE."