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Les lancements de Fusées sondes « Dragon »
depuis la « Terre Adélie »
(Décembre 1966/Mars 1967)
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par Claude Salmon
Cette campagne de lancement « exceptionnelle » a en réalité commencé dès le mois de Mai et Juin 1966; en effet l'équipe qui était prévue pour cette « aventure antarctique » a participé à une campagne de lancement préliminaire, à Andoya au Nord de la Norvège, au dessus du cercle polaire arctique.
Ce fut l'occasion de tester certains équipements que nous allions utiliser en Terre Adélie et aussi de connaître le comportement de chacun dans le cadre d'une cohabitation très particulière en « vase clos ».
Dès la fin Novembre 66, départ pour rejoindre la Tasmanie, rendez vous fixé pour retrouver à Hobart le « Thala Dan » brise glace danois qui a quitté Le Havre avec le matériel depuis début Octobre.
Nous embarquons le 15 Décembre et. . . cap au sud
Nous sommes six par cabines et nos « bannettes » superposées ne sont pas sans nous rappeler soit la pension soit la colo. Mais dès la première nuit nous revenons à la réalité, nous sommes bien en mer et il faudra très rapidement trouver les parades pour essayer de passer toute la nuit dans la bannette et amarrer solidement le panneau extérieur « Expéditions Polaires Françaises » qui au gré du roulis tape régulièrement contre la coque .
Nous sommes dans les « 40 èmes rugissants » et le gitmètre que nous avons installé, nous indique 40° à 45° bâbord puis tribord.
Au bout de deux jours, nous tombons en panne moteurs; donc on ferme toutes les écoutilles et comme un brise glace n'a pas de quille on roule comme un bouchon pendant que l'équipage répare, ça a duré tout un après midi.
Depuis notre départ de Hobart, le commandant a exigé par crainte d'un incendie, la présence permanente d'un membre de la mission assisté d'un symbolique extincteur dans la cale avant du bateau (température proche de 1 à 2°) près des fusées, véritables pains de poudre, protégées elle, par des housses chauffantes.
Nous avons donc tenus à tour de rôle des « quarts » de 1h, à la lueur d'une petite baladeuse qui ne nous permettait même pas de lire car elle ballottait tout le temps; le plus délicat étant de traverser à découvert le pont balayé par les paquets de mer entre la passerelle et l'entrée de la cale.
40 èmes rugissants puis 50 èmes hurlants: ça roule et ça tangue; au réfectoire, les tables ont été couvertes de nappes humides et de petites ridelles pour que les assiettes ne nous échappent pas, et les potages scandinaves du début ont été remplacés par des boulettes et de la purée bien compacte, ça tient au ventre et aussi dans l'assiette.
PEV (Paul Emile Victor) nous raconte chaque jour ses aventures polaires, quel talent de conteur cet homme! c'était passionnant Au bout de 5 jours (et nuits) ballottés et bien secoués, nous franchissons les 60° sud et la mer se calme progressivement car nous arrivons dans une banquise un peu disloquée: c'est l'été, et nous pouvons enfin profiter sereinement du spectacle magnifique de notre bateau se faufilant entre les icebergs ou brisant le « pack » de glace.
Deux jours après nous sommes en vue de « l'île des pétrels » notre futur lieux de résidence en « Terre Adélie » : la base « Dumont Durville » sur le cercle polaire antarctique.